Adobe s’offre Magento pour 1,68 milliards
Rachetée en 2011 par eBay, puis en 2015 par Permira capital-investissements, c’est au tour d’Adobe de devenir propriétaire de Magento. Avec 1,68 milliards de dollars américains sur la table, Adobe compte bien bonifier son prisme de compétences avec Magento dans son baluchon.
D’autant que Magento serait l’une des plus importantes plateformes de commerce électronique au monde. La fusion-acquisition (F&A) entre ces deux géantes de la côte ouest américaine doit être approuvée et confirmée au troisième trimestre de 2018. Adobe connue surtout pour ses logiciels graphiques et d’édition donnera ainsi du corps à sa filière de commerce électronique et à l’ensemble de son écosystème Experience Cloud, lequel fournit déjà des services d’analyse, de publicité et de marketing à ses clients.
Écrit dans le ciel depuis 2016
La différence de culture d’entreprise est dans 85% des cas, la principale cause d’échec des fusions-acquisitions selon la firme Price Waterhouse Coopers. Mais, l’amitié déclarée en 2016 entre Magento et Adobe permettra certainement de contourner cet écueil, au moment où un échange de bon procédés entre les suites Adobe Experience Cloud et Magento Digital Commerce et Commerce Order Management, ont fait de ces deux grandes californiennes plus que de bonnes amies … L’acquisition de Magento permettra ainsi à Adobe de renforcer ses stratégies B2B (business to business) et B2C (business to customer).
Un portefeuille gonflé au commerce électronique
Le portefeuille d’Adobe ne cesse de prendre du poids : elle rachète en 2013 de la société Neolane pour 600 millions de dollars, Fotolia en 2014 pour 800 millions et TubeMogul, deux ans plus tard, pour près d’un demi milliard. N’oublions pas qu’Adobe a aussi mis la main sur Omniture en 2009, faisant d’elle un joueur important dans le secteur de la publicité en ligne.
Cette F&A intervient au moment où les cadres des plus grandes entreprises affichent une confiance inébranlable dans les marchés. Le Baromètre mondial de la confiance des entreprises, publié par la firme Ernst & Young (EY) en avril 2018, précise que « 78 % des cadres canadiens comptent procéder à des F&A au cours de la prochaine année, contre 54 % aux États-Unis et 52 % à l’échelle mondiale ».
2 500 cadres d’entreprises de toutes tailles et issus de 43 pays ont été sondés dans le cadre de cette enquête.
Le Canada serait d’ailleurs selon EY, en seconde position des principales destinations en matière d’investissements dans le monde! Et devant les États-Unis! Surprise ? Faut pas, de dire Miriam Pozza, associée et leader Transactions pour le Québec chez Price Waterhouse Coopers Canada, en entretien à PlanetHoster : « On s’est vraiment taillés une belle place au niveau technologique et en intelligence artificielle, ce qui attire plusieurs investisseurs. Sans être nécessairement les premiers, on est définitivement reconnus sur la scène mondiale, puis avec notre environnement stable économique et politique, c’est ça qui va faire la différence » conclut-t-elle.
On n’est pas seuls of course! Selon Mergermarket, une firme spécialisée dans les F&A et dont l’un des sièges est au Royaume-Uni, « la Suède, le Danemark et Israël présentent des opportunités et des innovations très alléchantes, notamment dans le secteur des technologies » nous dit Jonathan Klonowski, éditeur de recherche pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique chez Mergermarket, en entrevue à PlanetHoster. Des F&A, Mergermarket en recense pour 890 milliards de dollars USD dans le monde au premier trimestre de 2018, un record!
Cette tendance comporte-t-elle son lot de risques ? « Les corporations, chef d’entreprises, se demandent plutôt si elles peuvent risquer de ne pas procéder à des F&A! […] Si la compétition fait des acquisitions, diversifie son offre, pouvez-vous vous permettre de rester immobile? […] Les SAP et Salesforce bougent et le raisonnement derrière l’acquisition d’Adobe n’y est pas étranger […] L’essentiel est de trouver l’équilibre, entre adopter une position agressive ou passive. […] Surtout dans le secteur des technologies : si vous restez statiques, vous serez dépassés en moins de deux ans », nous dit Jonathan Klonowski. Rappelons que la crise financière de 2006-2007 avait aussi été précédée par de gros volumes de F&A. Il est juste de s’en soucier, mais il est encore trop tôt pour faire des rapprochements, poursuit-il.
Même son de cloche chez Miriam Pozza de PwC Canada : « En Amérique du Nord ou en Europe, de façon générale il y a beaucoup de capitaux sur le marché et cela donne lieu à beaucoup d’activité. […] Avant 2015, des compétiteurs directs s’achetaient entre-eux, aujourd’hui les compagnies cherchent à demeurer compétitives en améliorant leur performance via les nouvelles technologies. Tout le monde cherche la croissance, des fois de manière organique, d’autres fois par acquisitions. »
La concurrence ébranlée
Tout ce branle-bas de combat vise évidemment à miner l’équilibre et la confiance de la concurrence et des joueurs qui grignotent notre territoire. La F&A Adobe-Magento a secoué les fondations de Shopify dont le titre a perdu plus de 5% suite à l’annonce de la transaction. Adobe est de plus en meilleure posture pour inquiéter les Salesforce.com Inc. et Oracle Corp. de ce monde. Selon l’analyste William Blair de Morgan Stanley, cité dans le Yahoo!Finance du 26 mai 2018, la nouvelle idylle Adobe-Magento pourrait bien menacer sur le long terme la croissance de Shopify, elle qui a pourtant résistée à la concurrence passagère de Webstore d’Amazon, dit-il.
Les fusions-acquisitions, dans l’ère du temps
Et 2017 fut une année record dans le domaine selon PwC et ce en dépit des politiques protectionnistes du nouveau gouvernement américain et des inquiétudes qui pèsent lourd sur le commerce nord-américain et l’économie mondiale. « Les transactions réalisées sur le marché américain ont constitué près de 60 % de toutes les transactions transfrontalières en 2017. Il s’agit de l’un des niveaux les plus élevés depuis 2008 » précise PwC.
Selon les données de Thomson Reuters, les F&A ont fait changer de main près de 3 600 milliards de dollars en 2017. La plus importante transaction recensée a été celle qui a vu Broadcom mettre la main sur le fabriquant de puces Qualcomm pour un petit de 130 milliards. D’autres méga-deals se mijotent en 2018, nous dit PwC. L’échelle n’est pas du tout à fait la même avec Adobe mais, avec cette nouvelle entreprise formant sa garde rapprochée, Adobe espère bien tirer son épingle du jeu, comme elle le fait depuis 1982.