Fake News (Infausses) : La Revanche de la Vérité
On nous avait pourtant déjà bien prévenus dans les années 1990′ des dangers de la désinformation sur Internet. Bien voilà, nous y sommes, ébranlés par les scandales de grande échelle et les tentatives de manipulation de l’info.
La première fake news balisée est cataloguée en juillet 2016, au moment où le Pape aurait déclaré, appuyer Donald Trump lors de la campagne présidentielle américaine nous rapporte le chercheur québécois Mathieu-Robert Sauvé dans un entretien qu’il nous a accordé. Si la cité de Troie a été prise d’assaut grâce à un cadeau empoisonné, si Orson Wells a fait croire à une invasion extra-terrestre grâce à un radio théâtre, la fausse nouvelle est une technique éprouvée.
« Une grande partie de la population serait devenue indifférente à la vérité »
François-Bernard Huyge
François-Bernard Huyghe est chercheur à l’IRIS en France et responsable de l’Observatoire Géostratégique de l’Information. En entrevue à PlanetHoster, il précise que ce qui change maintenant la donne, c’est la quantité d’information à laquelle nous sommes exposés et le nombre de canaux par laquelle elle transite. « Ces nouveaux circuits de distribution, sans points de contrôle, permettent une certaine impunité ». Et les infausses, baptisées ainsi par le chercheur québécois de l’Université de Montréal, Mathieu-Robert Sauvé, constituent une atteinte bien réelle à la démocratie, mesurable et qu’il faut combattre car « il serait difficile d’en enlever l’empreinte dans la conscience des gens, une fois livrée ».
François-Bernard Huyghe précise qu’on a peur des fausses nouvelles. On leur prête « un pouvoir de déstabilisation, en particulier politique, tout à fait extraordinaire. (…) Il y a une surproduction d’infausses qui répondent aux croyances et fantasmes de tout un chacun ». … Semer le doute, parfois, suffit! En cette ère post-vérité « une grande partie de la population serait devenue indifférente à la vérité. Et cela inquiète les élites en particulier ». Ce fantasme, précise M. Huyghe « fournit aussi des alibis aux politiques ». Le Président américain et son équipe en constituent la preuve éloquente : semer le doute pour rendre le faux imperméable à une simple vérification des faits.
« Se pourrait-il que la notion de « Fake news » soit demain appliquée
à tout support ou information « contrariante » ?
Yannick Chatelain
Le véritable pouvoir glisse dorénavant entre les mains des GAFA, les géants du web. Craintifs, les États s’en mêlent et les contre-pouvoirs aussi, craignant la censure et ses dérives. En Allemagne, une loi comme la NetzDG sur la modération des contenus est votée en janvier 2018 et en France, où on propose de suivre l’exemple, le Conseil d’État hésite. L’Union européenne, réfléchit. Mais qui doit décider de ce qui est vrai et vérifié? Une commission d’État? Une crainte partagée par Yannick Chatelain, professeur à l’École de management de Grenoble qui pose la question qui brûle toutes les lèvres : « se pourrait-il que la notion de « fake news » soit demain appliquée à tout support ou information « contrariante » ? » (Journal Contrepoints, 8 janvier 2018). « Jusqu’où notre tolérance permettrait-t-elle la différence de points de vue? » Quels arguments pour la suppression d’une info?
L’intelligence artificielle pour nous sauver du faux?
Pour départager le vrai du faux, l’intelligence artificielle arrive à la rescousse! Le site américain Knowherenews promet un journalisme impartial, grâce à des algorithmes qui analyseront l’info produite via des sites vérifiés. Le sujet publié puiserait ses sources dans certains grands médias, exempté de contenus provenant des réseaux sociaux. L’écriture y est algorithmique, mais révisée par ses éditeurs … Tout n’est pas perdu!
Facebook, affectée par le scandale de Cambridge Analytica étudie la possibilité de permettre aux utilisateurs de noter les informations produites par les réseaux de nouvelles et d’information, d’instaurer une jauge de qualité? Google va même investir 300 millions de dollars pour lutter contre les fake news en s’associant notamment aux majors de l’info. L’auto-règlementation de l’industrie et des porteurs d’infausses, Mathieu-Robert Sauvé n’y croit pas trop. Pour François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l’IRIS et auteur de Fake news: la grande peur, « la vérité elle doit bien être quelque part? (…) je suis pas capable de vous dire ce qu’est la vérité, mais bien de vous dire ce qu’est un mensonge! ». Il nous faudra, dit-il, être très prudents à l’avenir.
« Si vous êtes mal informés vous allez mal exercer votre liberté ».
Mathieu-Robert Sauvé
Les fausses nouvelles sèment l’inquiétude en cette ère de post-vérité où l’impunité vagabonde. Elles sont heureusement rapidement repérées rapporte François-Bernard Huyghe. Selon Mathieu-Robert Sauvé « il faut que les gens s’intéressent à la source de l’information » citant le projet 30 secondes avant d’y croire, une initiative de la Fédération des journalistes professionnels du Québec (FPJQ). « La démocratie s’appuie sur l’information. Si vous êtes mal informés vous allez mal exercer votre liberté (…) et si vous n’avez pas une source digne de foi, c’est très grave ». Et il n’y pas que les présidentielles, le Brexit ou le référendum catalan à être mis en périls par les infausses, mais aussi la confiance des consommateurs exposés aux faux avis et commentaires. Pour cela, les machines de ReviewMeta et Fakespot pourraient vous donner … un coup de vrai.
Aujourd’hui, chacun peut choisir sa réalité et s’y enfermer, contenté par ce qu’il ou elle y voit et trouver autour, de quoi se conforter. Sinon, on peut faire l’effort d’essorer l’info, d’en tirer le meilleur nectar! Trouver la vérité vraie comme on dit.
À lire / voir
Vidéo : avec François-Bernard Huyghe
http://www.iris-france.org/109944-fake-news-quels-sont-les-enjeux-de-ce-phenomene/
Livre : Fake news : la grande peur. François-Bernard Huyghe, Media Group, France, 128p.
Web : « Fake news » : un alibi pour une censure étatique mondiale ? Yannick Chatelain, Journal en ligne
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Mmm Mathieu-Robert Sauvé est d'abord journaliste, principalement pour les publications de l'Université de Montréal (Forum, UdM Nouvelles). Il effectue toutefois une maîtrise présentement à l'Université de Sherbrooke. Je crois que ces deux attributs se sont téléscopés... (j'hésiterais à qualifié quelqu'un de "chercheur" s'il est en train de faire une maîtrise, même si Mathieu-Robert a pluuuuusieurs années d'expérience sur le sujet et est très très crédible!)
Très intéressant, malheureusement je crois qu'une fois la fausse nouvelle diffusée, les gens ont de la difficulté à assimiler la vraie. En tout cas à suivre!