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Catherine Couturier

Ultraconnectés

107 fois. C’est le nombre de fois où j’ai regardé mon téléphone dans les 3 derniers jours. Dimanche, alors que le soleil brillait (enfin) sur Montréal, j’ai réussi à engloutir 2 h 9 sur mon téléphone.

Et je ne suis pas la seule. Selon les données de l’application Moment, l’utilisateur moyen consulterait son téléphone 39 fois par jour, pour une durée totale d’environ 3 h. Plus le temps de lire? Incapable d’intercaler 1 h d’exercice dans son horaire? Oups. Peut-être pas tant que ça, finalement…

Même si on retire du plaisir à consulter les médias sociaux et à avoir le monde au bout des doigts, reste qu’il est de plus en plus clair que ces outils sont conçus pour nous garder le plus longtemps possible avec eux. Jonathan Roberge, professeur à l’INRS, parle carrément de capitalisme de données. Comment nous rendent-ils si accrocs? Quelles sont les conséquences possibles? Et surtout, quoi faire pour diminuer (un peu) notre consommation?

Des téléphones bouffeurs de temps

Si, comme les utilisateurs de Moment, vous êtes préoccupés par votre utilisation intensive de votre téléphone intelligent, et plus particulièrement du temps passé sur les médias sociaux, vous n’êtes pas les seuls. Ainsi, une récente recherche du Pew Research center révélait que le quart des Américains disaient être en ligne « presque constamment », une hausse de 5 points de pourcentage depuis 2015. Sans surprise, c’était surtout les jeunes qui étaient les plus grands consommateurs : 39 % des 19-29 disaient être en ligne presque constamment, mais aussi 36 % des 30-49 ans.

Le site Hackernoon, quant à lui, a compilé en 2017 les chiffres de plusieurs sources pour évaluer l’utilisation des différents médias sociaux. Résultat : les gens passent en moyenne 1 h 56 par jour (là-dessus, 1 h 16 via leur téléphone) sur 5 plateformes : YouTube, Facebook, Snapchat, Instagram, et Twitter. À l’échelle d’une vie, l’Américain moyen passerait l’équivalent de 5 ans et 4 mois sur les médias sociaux… et seulement 1 an et 3 mois à socialiser (ceci dit, la télévision demeure reine, avec 7 ans et 8 mois) !

Dessinés pour accrocher

Passe-temps, ou drogue? Dans son livre Irresistible, le professeur de marketing Adam Alter décortique les mécanismes qui rendent les nouvelles technologies si désirables. Les dépendances comportementales (que ce soit le jeu, la dépendance au sport ou à son téléphone) sollicitent les mêmes régions du cerveau que les drogues, sécrétant la même dopamine synonyme de plaisir. Facile à dire, donc, qu’il suffit d’un peu de volonté pour décrocher, quand les meilleurs développeurs de Silicon Valley travaillent sans relâche pour « casser » notre autodispline!

Alter énumère les ingrédients qui nourrissent nos dépendances comportementales. En voici quelques-uns :

  1. Fixer plusieurs petits buts à atteindre, pas trop faciles, ni trop difficiles : récolter (de plus en plus) des « likes », avoir plus d’« amis » ou de « followers ».
  2. Donner du « feedback » : l’introduction du bouton « J’aime » a transformé Facebook d’outil passif à profondément interactif et imprédictible, raconte Adam Alter. Les « likes » deviennent alors une forme de support social, un besoin de base de l’humain. Ajoutez des sons, des couleurs pour accompagner les gestes (avez-vous remarqué l’introduction des nouveaux effets lorsque vous écrivez « Félicitations » ou « Tu es le/la meilleur(e) » sur Facebook?), et ces microfeedbacks seront amplifiés, sollicitant une région très primitive du cerveau.
  3. Introduire des rebondissements : ajoutez une dose d’imprévisible (quelle photo recevra le plus de j’aime? Ce commentaire recevra-t-il des réponses?)
  4. Encourager les interactions sociales : Instagram et Facebook reposent sur des besoins de bases de l’humain : faire partie de la meute (les gens aiment ce que je fais, je fais partie de ma communauté) tout ayant la possibilité d’exprimer son individualité.

J’utilise, mais après?

Les médias sociaux n’ont évidemment pas que du mauvais; mais être constamment en ligne peut empêcher de développer de vraies relations sociales, ou encore de s’investir dans des activités qui pourraient être plus bénéfiques pour la santé mentale ou physique, rappelle Alter. Ces comportements créent une dépendance lorsqu’ils deviennent un remède à la solitude, à la détresse psychologique et à l’insatisfaction.

L’arrivée du mobile, de réseau ultrarapides et des appareils de plus en plus performants rendent également de plus facile la consultation de son téléphone au moindre signe d’ennui, de solitude ou d’angoisse. « On est un peu dans l’adolescence de notre culture de la mobilité », rappelle Catherine Mathys, journaliste techno et chargée de cours en culture mobile, dans un article du Devoir.

Jonathan Roberge rappelle également que c’est dans l’intérêt des compagnies de nous garder le plus longtemps possible avec eux : « La connectivité, ou la surconnectivité, c’est un modèle d’affaires pour les grands opérateurs. »

Petits trucs pour se mettre au régime

Vous avez la volonté de changer vos habitudes? Question d’avoir un « régime techno » un peu plus équilibré, ces petits trucs peuvent vous donner un coup de main :

  1. Éloignez-vous physiquement de votre téléphone : ne le chargez pas près du lit, et ne le gardez pas près de vous constamment. Loin des yeux, loin des… mains!
  2. Désactivez les notifications et sons et les alertes : vous coupez ainsi la chaîne « trigger-motivation-abilty ».
  3. L’application Moment (iPhone) (ou SPACE pour Android) : combien de temps passez vous exactement sur votre téléphone/votre tablette? Quelles sont les applications les plus chronophages? Moment, à défaut de bloquer quoi que ce soit, permet d’avoir un intéressant portrait de votre utilisation. Objectif : utiliser votre téléphone moins d’une heure par jour.
  4. La chroniqueuse Nellie Bowles du New York Times, inspirée par l’éthicien du design de Google Tristan Harris, a changé les réglages pour afficher son téléphone en noir et blanc, le rendant du coup beaucoup moins attrayant.
  5. En finir avec les chiffres : l’application Demetricator enlève les décomptes sur Facebook (nombre d’amis, de réactions, de commentaires) : les nombres pavent la voie vers l’obsession, affirme Alter.
  6. Arrêter de regarder votre téléphone vous avancera peu si vous transférez ce temps sur votre ordinateur : WasteNoTime est une extension pour navigateur qui vous permet de restreindre l’accès à certains sites ou le nombre de minutes passées par jours sur ceux-ci.
  7. Supprimez Facebook, Instagram, etc. de votre téléphone, tout simplement. Les avoir à portée de main rend la consultation plus fréquente.

Voir les commentaires

  • Quoi qu'il en soit, cela montre également que l'accent du développement de la marque et des affaires sera amélioré sur mobile au lieu de bureau.

  • Très intéressant! Un peu épeurant même, je crains l'installation de Moment sur mon iPhone...?

  • Très intéressant! Un peu épeurant même, je crains l’installation de Moment sur mon iPhone…?