Assistant vocal cherche consommateurs à profiler

Les assistants vocaux prendront de plus en plus de place dans nos vies. Qu’ils utilisent la voix d’Alexia, Siri ou de l’Assistant Google, ils vous tracent et retracent. Big Brother ou Big Data, une fois branché, il faut dire adieu à sa vie privée.
Car l’assistant vocal ouvre une brèche supplémentaire, en cette ère de cookies, de caméras et micros connectés, de géolocalisation et au moment où plus de 65 % des Canadiens possèdent un téléphone intelligent en plus des tablettes et des portables.

 

2001 L’Odyssée de l’espace : HAL REVIENT SUR TERRE

 

On se souvient de la voix informatisée de HAL qui parlait à Dave sur la station spatiale du film 2001 l’Odyssée de l’espace. Cinquante ans plus tard, d’autres voix prennent la relève pour accomplir les mêmes fonctions, et donnent une personnalité à des assistants vocaux ne sont pas près d’être obsolètes. On espère même les rendre intuitifs, en plus de les brancher à nos micro-ondes, frigos, stéréos, télés et lave-vaisselle. La firme de recherche Canalys prévoit que 56 millions d’unités de haut-parleurs intelligents seront vendues en 2018 dans le monde. En 2022, les ventes d’Écho, de HomePod et de Google Home pourraient totaliser les 4,8 milliards de dollars selon la boîte de recherche Arizton.

« La technologie continuera d’influencer et de diriger le comportement du consommateur » PwC.

 

Dialogue avec la machine

 

« La technologie continuera d’influencer et de diriger le comportement du consommateur ». C’est ce qu’affirme Price Waterhouse Coopers (PwC) dans une étude réalisée aux États-Unis publiée en 2018. On y apprend que les 18-24 ans, tout comme les 50 ans et plus, parlent au quotidien avec leur machine, surtout pour effectuer des commandes de base : recherche en ligne, jouer de la musique, faire un appel… Elle nous révèle aussi que ce qui freine l’engouement des consommateurs envers les assistants vocaux aurait tout à voir avec une question de confiance, avec la crainte d’être espionné, de devenir de la chair à données. Toujours aux États-Unis, The Electronic Privacy Information Center réclame la mise en place de règles plus robustes pour les machines connectées au web. Aussi, qu’elles soient dotées d’un prérequis de transparence algorithmique (algorithmic transparency requirement) qui permettrait aux utilisateurs de comprendre comment leurs données sont utilisées. Des craintes fondées, au regard d’événements récents qui laissent filtrer les ratés notamment celui rapporté par le New York Times racontant que des GoogleHome Mini distribués à une meute de journalistes à l’automne 2017 étaient restés allumés et les enregistraient.

 

 

 

Et on vous aime de la maison, jusqu’au bureau

 

Une enquête réalisée en 2017 par Ciso Systems laisse entendre que 69 % des Canadiens qui ont un assistant personnel dans leur lieu de travail estiment qu’ils seraient plus productifs avec un assistant… virtuel ! Et près de la moitié d’entre eux croient que l’assistant vocal leur évitera à l’avenir de devoir utiliser un clavier.

« Toute nouvelle technologie, tout changement, provoque une certaine dose de résistance. Et c’est elle qui se manifeste aujourd’hui ».

 

La technologie évolue à une vitesse qui dépasse les capacités du consommateur à s’y adapter, à la maîtriser. Et bien sûr, toute nouvelle technologie, tout changement, provoque une certaine dose de résistance. Et c’est elle qui se manifeste aujourd’hui. Ceci ne veut pas dire pour autant que le consommateur est dans son tort.
Des chercheurs de la firme Baidu en Chine déclarent pouvoir mimer une voix après l’avoir analysée pendant une minute. Et que dire de la capacité du Google Duplex à passer tout naturellement un appel en votre nom pour faire une réservation chez le coiffeur (voir vidéo, fantastique et effrayant à la fois), laisser tomber votre conjoint ou, commander deux douzaines de pizzas pour le voisin?

 

Données personnelles en transit

 

Le Bureau européen des unions de consommateurs a accusé Google en novembre 2018, de manipuler, et d’espionner ses utilisateurs via l’Historique des positions et Activités Web et applications parties intégrantes des comptes Google et de contrevenir aux nouvelles règles européennes sur la protection des données personnelles (GDPR).
Au Canada Alexander Wong est codirecteur du groupe de recherches Vision and Image Processing de l’Université de Waterloo au Canada et membre du Partnership On AI, un consortium international basé à San Francisco préoccupé par les questions d’éthique dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA). Selon lui, « il sera possible d’ici quelques années de compacter toute l’info nécessaire dans la mémoire d’un appareil au lieu de tout faire transiter par le web, et d’ainsi diminuer le risque pour la sécurité de nos informations ». Des firmes comme Snips travaillent aussi sur ce concept de Privacy by Desing. « La protection de nos données restera toujours un problème. Beaucoup d’efforts sont déployés pour renforcer la sécurité, mais aucune technologie n’est parfaite. Et la nouvelle génération a tellement l’habitude de partager ses informations, semble vraiment moins préoccupée par la sécurité et sa vie privée. Il faut penser aux conséquences », précise Alexander Wong.

 

Alexander Wong, codirecteur du groupe de recherches Vision and Image Processing, Waterloo, Ontario.

 

 

Pourrons-nous un jour parfaitement sécuriser toutes nos informations personnelles avec une seule application par exemple? Alexander Wong, auteur de nombreux articles et détenteur de plus de 30 brevets, dégonfle mon ballon : « Des technologies parfaites, ça n’existe pas. Il est important qu’on travaille ensemble à les rendre les plus sécuritaires possible. Beaucoup d’efforts sont déployés en ce sens dans le secteur académique et industriel. Cependant, si on se laisse faire, on emprunte sur un terrain extrêmement glissant. Il n’est pas trop tard pour s’inquiéter » surtout pour y réfléchir dit-il ? Pour Alexander Wong, « il n’y aura jamais trop de données utiles, notamment dans le domaine de l’IA pour accomplir différentes tâches, créer des applications, mettre en lumière différents scénarios. Mais, viendra un moment où il ne sera pas nécessaire de conserver toutes les données recueillies. Plusieurs deviendront superflues ».

 

 

Peu importe ! On est déjà fichés

 

On a beau vous dire de ne pas vous en faire, que les géants du web ont votre vie privée à cœur, mais le récent scandale de Cambridge Analytica nous fait comprendre à quel point nous sommes vulnérables. Devons-nous nous inquiéter du phénomène? Alexander Wong demeure optimiste. « Nous devons prendre nos précautions. Il se peut que vous ne parliez pas à une vraie personne, mais pour autant qu’elle réponde à vos besoins! Il ne serait pas dans l’intérêt des compagnies d’un point de vue économique de s’associer à des systèmes qui se retourneront contre vous. Nous devons réaliser que la technologie et les entreprises ne sont pas parfaites. Il faut donc être conscients de l’utilisation que d’autres font des outils qu’on exploite ». En fait, en quelques mots pour paraphraser monsieur Wong, suivre le mode d’emploi et lire le guide! … La question de la responsabilité de l’utilisateur n’est pas à négliger.
Vie privée, vol d’identité, d’informations personnelles et sécurité balisent aujourd’hui les choix que l’on fait dans nos vies numériques. Et plusieurs capitulent face à l’ampleur des intrusions possibles et fournissent avec joie leur carte de points et les renseignements qui y transitent. Notre vie privée, notre sécurité n’a-t-elle pas déjà capitulé, rendu les armes ? Serons-nous sous peu un seul grand noyau de données personnalisées, avec ses avantages et ses ratés, ses catastrophes et avantages? Jusqu’où serons-nous prêts à aller avant d’agir sur ce que l’on sait de nous, fait de nous ? Peut-être est-il trop tard pour y penser, reculer, peut-être est-ce mieux ainsi? Le village global de McLuhan concentré en un seul immense centre de données.

 

Références :

New York Times. Hey, Alexa, What Can You Hear? And What Will You Do With It? par Sapna Maheshwari

The National. Voice assistants only getting smarter as privacy concerns grow par Peter Nowak

Cisco. Alexa peut-elle vous accompagner au travail? par Denise Deveau

Price Waterhouse Coopers. Prepare for the voice revolution par PwC, États-Unis

 

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Auteur/autrice

Boris Chassagne
Boris C. est journaliste, réalisateur-coordonnateur et animateur radio. Il a travaillé pour le service des nouvelles de Ici Radio-Canada, de même que pour la section française de son service international. Boris a aussi contribué à de nombreuses publications dont les magazines Le Lambert et Entreprendre. Il poursuit actuellement ses études doctorales en communication à l'Université du Québec à Montréal.
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